Maintenant que Jean-Luc a une nouvelle conjointe amplement capable de subvenir à ses besoins, qu’advient-il de la pension alimentaire qui lui est versée par son ex-conjointe ?
On pourrait croire que les revenus d’un nouveau conjoint influencent le calcul de la pension alimentaire, mais pas nécessairement. Le mariage forme une société économique dans laquelle chaque conjoint participe aux dépenses du ménage. Si ce partenariat économique est rompu, un des époux peut être contraint de verser un montant d’argent à l’autre s’il n’est pas en mesure de satisfaire ses besoins courants. De façon générale, cette somme d’argent, nommée pension alimentaire, est versée sur une base mensuelle. Elle perdure jusqu’à l’obtention d’une autonomie financière, le cas échéant.
Pour établir le montant de la pension alimentaire, les tribunaux doivent tenir compte de certains critères. Notamment, le juge analyse les besoins et les capacités financières des époux, les circonstances, le temps nécessaire au mari ou à la femme dans le besoin pour acquérir une autonomie financière, la durée de la vie commune, le niveau de vie antérieur de la famille, l’âge des ex-époux, leur degré de scolarité, leur état de santé et l’impact fiscal de la pension alimentaire. Parmi ces nombreux critères, doit-on également considérer les revenus du nouveau conjoint de l’époux non autonome financièrement?
La Cour d’appel du Québec s’est penchée sur la question dans une récente décision. La cour a reconnu que l’union de l’époux non autonome financièrement avec un nouveau conjoint a entraîné une situation nouvelle entre les parties ce qui, exceptionnellement, aurait pu justifier une réévaluation des besoins et ainsi, occasionner une modification du montant de la pension alimentaire. Par contre, cette union de fait n’indiquait pas nécessairement que le conjoint était dorénavant autonome financièrement. En fait, la nouvelle relation doit être empreinte de permanence et de stabilité pour influencer l’obligation alimentaire de l’ex-époux. Le juge doit évaluer le critère de stabilité et de permanence à la lumière des faits présentés avant de permettre l’annulation de la pension alimentaire consentie en vertu du mariage antérieur. La nouvelle union doit également compenser les inconvénients économiques du précédent mariage et l’apport du nouveau conjoint doit être perçu comme sa contribution à un nouveau partenariat économique. La simple contribution équivalente à celle de l’ex-époux faite par le nouveau conjoint n’est pas suffisante pour permettre l’annulation de la pension alimentaire alors accordée.
En somme, la cohabitation d’un époux non autonome financièrement avec un nouveau conjoint ne présume pas qu’il est désormais capable de subvenir à ses besoins courants. De ce fait, un mariage ayant duré plusieurs années où l’époux se consacre à sa famille laissant ainsi de côté sa carrière professionnelle crée une obligation alimentaire qui nécessite habituellement le paiement d’une pension alimentaire à long terme sans égard aux revenus et à la capacité de payer de son nouveau conjoint.