2068 boulevard Édouard à Saint-Hubert

Le consentement aux soins par les aînés

woman-100343_1280

Anita, âgée de 85 ans, vient tout juste d’apprendre qu’elle a un cancer des poumons. La vie ne lui donne vraiment pas de répit, elle qui est atteinte de la maladie de Parkinson et de nombreux autres maux. Lors de son dernier rendez-vous médical, son oncologue a pris le temps de bien lui expliquer le traitement médical qu’il recommande et ses effets pour combattre son cancer. À 85 ans, Anita se sent très fatiguée et hésite à s’engager dans ce combat contre le cancer, d’autant plus qu’elle considère avoir eu une vie bien remplie et qu’elle aimerait rejoindre son mari, décédé depuis longtemps. Ses enfants sont sidérés, ils ne peuvent envisager que leur mère refuse les traitements de chimiothérapie proposés par son oncologue et qu’elle se laisse mourir. Ils se posent la question suivante: peuvent-ils consentir aux soins au nom de leur mère âgée?

La définition du terme « soin »

En vertu du Code civil du Québec, “nul ne peut être soumis sans son consentement à des soins, quelle qu’en soit la nature, qu’il s’agisse d’examens, de prélèvements, de traitements ou de toute autre intervention”.  Il est nécessaire de définir le terme «soin»: il existe deux types de soins de santé:

  1. Ceux qui sont requis par l’état de santé car l’intégrité de la personne est menacée (exemples: les traitements médicaux, l’alimentation, l’hydratation et même dans certains cas, l’hébergement en établissement de santé qui peut aussi être considéré comme un soin requis, etc.) et;
  2. Ceux qui ne sont pas requis par l’état de santé (exemples: tatouages, chirurgies esthétiques, perçage, etc.).

 

Consentement par la personne elle-même 

En règle générale, le patient majeur et apte a le droit de consentir lui-même à ses soins de santé. Il peut donc accepter ou refuser de recevoir des soins, même si cette décision semble déraisonnable.

Pour que le consentement aux soins soit valide, il doit être libre et éclairé. Pour donner un consentement libre, le patient ne doit pas avoir été victime de pression de son entourage ou de l’équipe médicale, c’est-à-dire qu’il a été donné sans contrainte morale ou physique. De plus, un consentement doit être donné en toute connaissance de cause, donc il ne sera pas considéré comme étant éclairé s’il est donné en réponse à un mensonge ou fondé sur un fait erroné. Pour donner un consentement éclairé, le patient doit recevoir et comprendre, avant de prendre sa décision, toute l’information médicale pertinente:

  • Nature de la maladie ou diagnostic et niveau de gravité;
  • Nature et but du traitement ou de l’intervention;
  • Chances de succès et d’échec;
  • Bénéfices escomptés par le traitement ou l’intervention;
  • Risques reliés au traitement;
  • Alternatives thérapeutiques ou autres options disponibles, le cas échéant;
  • Évolution naturelle de la condition en cas de refus du traitement.

 

Si toutes les conditions ci-dessus sont réunies, le consentement du patient majeur sera valide, mais il existe toutefois des cas où celui-ci ne pourra consentir seul à ses soins de santé s’il est jugé inapte à le faire. L’inaptitude est évaluée par un médecin et soumise à l’examen du tribunal selon certains critères légaux.

Critères de détermination de l’inaptitude

Afin de déterminer l’aptitude du patient à consentir à ses traitements, des professionnels de la santé (généralement le médecin traitant), évaluera les cinq critères suivants:

  • La personne comprend-elle la nature de la maladie (de la problématique) pour laquelle un traitement (ou service professionnel) lui est proposé?
  • La personne comprend-elle la nature et le but du traitement (du soin) proposé?
  • La personne saisit-elle les risques et les avantages du traitement si elle le subit ?
  • La personne comprend-elle les risques de ne pas subir le traitement (ou de refuser les soins)?
  • La capacité de comprendre de la personne est-elle affectée (significativement) par sa maladie?

 

Si le médecin traitant conclut que Anita est apte au terme de cette évaluation, personne ne pourra obliger Anita à suivre le traitement proposé, ici la chimiothérapie.  Par contre, si le médecin conclut que le Anita est incapable de comprendre la maladie, le traitement proposé, ses effets ou les conséquences de son refus, il lui faudra obtenir le consentement d’une personne autorisée par la loi pour administrer le traitement proposé.  Si Anita conteste catégoriquement la conclusion du médecin quant à son inaptitude et refuse les soins malgré le consentement de son représentant légal autorisé, elle devra s’adresser au tribunal pour qu’un juge décide de son inaptitude.

Il n’est pas nécessaire de prouver chacun des cinq (5) critères pour démontrer l’inaptitude.  Ces critères ne sont pas cumulatifs et leur importance relative laissée à l’appréciation du tribunal selon la situation particulière du dossier. Notez que cette évaluation est fréquente lorsque le patient souffre de troubles mentaux.

Consentement substitué 

Lorsqu’un médecin considère que son patient est inapte à consentir lui-même à ses soins de santé et que le patient n’a pas rédigé de directives médicales anticipées en application de la Loi concernant les soins de fin de vie et par lesquelles il exprime un tel consentement ou un tel refus, il sera nécessaire d’avoir recours au consentement substitué, c’est-à-dire le consentement donné par quelqu’un d’autre. Il est important de mentionner que, dans tous les cas, le consentement substitué doit être exercé en fonction de l’intérêt du patient inapte à consentir et que la volonté du patient inapte doit tout de même être prise en compte.

Si une personne exerce un consentement substitué, elle doit aussi s’assurer que: “les soins sont bénéfiques, malgré la gravité et la permanence de certains effets, que les soins sont opportuns dans les circonstances et que les risques présentés ne sont pas hors de proportion avec le bienfait que l’on espère”.

Qui peut donner un consentement substitué ?  

Pour la personne représentée, ce sera le représentant légal qui sera autorisé à consentir à la place du patient : le mandataire (s’il existe un mandat de protection homologué par le tribunal), le curateur ou le tuteur (régimes de protection).

Dans le cas où la personne n’a pas de représentant légal (c’est-à-dire pas de curateur, tuteur ou mandataire), la loi prévoit que certaines personnes sont autorisées à consentir à sa place, selon l’ordre de priorité suivant:

  1. Un conjoint (marié, union civile ou union de fait);
  2. Un proche parent : enfant, parent, frère, sœur ou toute autre personne qui démontre un intérêt particulier (ami, autre membre de la famille, etc.);
  3. Si la personne non représentée est isolée, c’est à dire qu’aucun proche n’a pas été trouvé ou que les proches refusent de s’impliquer, le curateur public pourrait intervenir.

 

Par contre, il est important de noter que si le majeur inapte souhaite se soumettre à des soins non requis par son état de santé, telle qu’une chirurgie plastique pour son nez, seul le représentant légal (mandataire, curateur ou tuteur) pourra donner un consentement substitué, et qu’il faudra même parfois obtenir l’approbation du tribunal pour ce type de soins.

La présomption d’aptitude 

Même si une personne est sous tutelle, curatelle ou représentée par un mandataire en vertu d’un mandat de protection, elle est présumée apte à décider de la pertinence des soins proposés. Ce n’est qu’une fois l’inaptitude de cette personne confirmée par le tribunal que son représentant légal (par exemple, un mandataire détenant un mandat homologué par un tribunal), sera autorisé à donner un consentement substitué à l’administration des soins proposés par les médecins.

Intervention du tribunal dans certains cas

Dans certains cas, il faudra recourir au tribunal pour donner une autorisation à des soins pour un majeur inapte. Ce sera le cas dans les situations suivantes :

  • Le majeur inapte refuse «catégoriquement» de recevoir des soins malgré le consentement de son représentant légal, sauf en cas de soins d’urgence ou d’hygiène;
  • En cas d’empêchement ou de refus injustifié de celui qui peut consentir à des soins requis par l’état de santé d’un majeur inapte à donner son consentement.

 

Soins donnés par un médecin en situation d’urgence

Dans des situations d’urgence,  lorsque la vie de la personne est en danger ou son intégrité menacée et que son consentement ne peut être obtenu en temps utile, le médecin pourra prodiguer les soins nécessaires, et ce, en vertu de l’obligation de porter secours à une personne en danger.

En conclusion

Tant que Anita est apte à donner un consentement libre et éclairé, elle peut refuser les traitements de chimiothérapie proposés par son oncologue et les enfants ne pourront pas consentir aux soins de chimiothérapie à la place de Anita.

Inform’elle, 2022

N.B.: L’information contenue dans le présent article est d’ordre général. Chaque situation mérite une analyse spécifique. Pour de plus amples renseignements concernant le droit familial, téléphonez à la ligne d’information juridique d’Inform’elle 450 443-8221 ou au 1 877 443-8221 (sans frais) ou consultez une personne exerçant la profession d’avocat ou de notaire.


Règle d’interprétation : la forme masculine peut inclure le féminin et vice versa.

Dans la même catégorie

Violence sexuelle contre un enfant : la responsabilité des parents

woman-g2d2bcbd82_1920

Julie, aujourd’hui majeure, entreprend un recours civil contre Jean, un ami proche de ses parents qui l’avait agressée sexuellement pendant son enfance. Lorsque Julie repense aux horreurs qu’elle a vécues, elle se dit qu’elle aurait vraiment aimé voir ses parents agir pour la protéger, ce qu’ils n’ont malheureusement pas fait. Julie peut-elle prendre un recours contre ces derniers?

Aide médicale à mourir

first-responders-3323385_1280

Marc est atteint d’une maladie dégénérative et incurable. Il ne désire pas mourir à petit feu ni être terrassé par la douleur lorsque sa maladie empirera. Sachant qu’au Québec une loi sur l’aide médicale à mourir a été récemment adoptée, il se questionne sur le processus et les conditions applicables à cette aide.

Directives médicales anticipées

man-1283235_1920

Simon a 67 ans. Il a récemment rédigé son mandat de protection à l’aide d’un formulaire gratuit publié par le Curateur public. Il y a inscrit des clauses concernant le type de soins qu’il ne souhaitait pas recevoir en cas d’inaptitude, comme des soins qualifiés d’acharnement thérapeutique. Il a aussi informé ses proches de son choix.